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Guy Laplagne
8 juillet 2019

Les annonces de Buzyn suffiront-elles pour lutter contre les pénuries de médicaments?

Tout ce que fait cette ministre est superficiel et petit. Les laboratoires ou autres lobbys sont aux commandes.

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Les annonces de Buzyn suffiront-elles pour lutter contre les pénuries de médicaments?

MIS À JOUR LE 08/07/19 À 18H37

La ministre de la Santé a présenté lundi devant l’Ordre des Pharmaciens ses pistes pour lutter contre des pénuries, de plus en courantes et inquiétantes

  • Depuis des mois, de plus en plus de vaccins et de médicaments contre le cancer, l’hypertension, ou encore l’asthme sont touchés par des ruptures d’approvisionnement.
  • Un rapport du Sénat avait proposé un certain nombre de mesures.
  • Ces dernières ont inspiré en partie la feuille de route présentée ce lundi par la ministre, dans l’attente qu’un comité de pilotage peaufine des mesures concrètes en septembre.

« L’annonce d’un cancer, c’est déjà traumatisant. Mais si en plus, le protocole de soins est interrompu parce que vous n’avez pas accès aux médicaments, c’est une angoisse terrible », s’alarme Catherine Simonin, membre du bureau à France Assos Santé, qui représente les patients. Sinemet (maladie de Parkinson), ImmuCyst (anticancéreux), Valsartan (hypertension) ou encore Célestène (corticoïdes pour enfants)… La liste des médicaments difficiles à obtenir en pharmacie s’allonge au fil des mois. Au point qu’aujourd’hui, un Français sur quatre s’est déjà vu refuser un traitement pour cause de pénuries au cours de son existence. Un phénomène qui inquiète patients, soignants, élus, et jusqu’à la ministre de la Santé. En effet, Agnès Buzyn a annoncé ce lundi matin, devant l’Ordre des pharmaciens, des pistes  pour limiter ces tensions d’approvisionnement. Une feuille de route, qui s’inspire du rapport rendu  par un groupe de travail de Sénat en septembre dernier, et qui sera peaufinée et précisée en septembre prochain par un comité de pilotage réunissant patients, pharmaciens et laboratoires pharmaceutiques. 20 Minutes a interrogé leurs représentants.

« La ministre a pris la mesure de l’urgence »

« La ministre a repris l’essentiel des préconisations de notre rapport, on ne peut que trouver que ça va dans le bon sens !, s’amuse Jean-Pierre Decool, sénateur du Nord et rapporteur. L’intention est excellente, attendons maintenant le plan d’action. »

« C’est encourageant de voir que la ministre estime que c’est un sujet prioritaire », s’enthousiasme Catherine Simonin, de France Assos Santé. D’autant que cette feuille de route doit se traduire par des mesures concrètes, proposées et suivies par un comité de pilotage dès septembre. « La ministre a pris la mesure de l’urgence et du drame que ces pénuries représentent pour les familles, poursuit Catherine Simonin, également membre de la Ligue contre le cancer. De plus, pour la première fois, les associations de patients participent à ce comité. Et la ministre pilotera la task force qui chapote ce comité, ce qui prouve son implication. »

Agnes Buzyn Ministre des Solidarites et de la Sante le 27 juin 2019. - ROMUALD MEIGNEUX/SIPAAgnes Buzyn Ministre des Solidarites et de la Sante le 27 juin 2019.

Des signaux rassurants, qui n’empêchent pas une certaine vigilance de la part des associations de patients. « Tout va dépendre des mesures qui seront applicables et appliquées… », nuance-t-elle. « Nous saluons cette feuille de route très importante sur un sujet compliqué, multifactoriel, et dont les enjeux et impacts sur la vie de beaucoup de patients sont primordiaux », se félicite de son côté Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques du Leem, organisation professionnelle représentant les entreprises du médicament. Un enthousiasme qui n’est pas partagé par tout le monde : cette feuille de route « ni concrète, ni opérationnelle » ne convainc pas  l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. 

Comment mieux gérer les pénuries ?

Deux axes se dégagent des 28 actions listées par cette feuille de route : mieux gérer quand la pénurie est là, mais aussi anticiper et limiter ces ruptures d’approvisionnement plus en amont. Sur le premier point, la ministre mise sur la transparence et l’information. Notamment en généralisant le « dossier pharmaceutique Ruptures » (le DP-Ruptures), qui existe depuis 2013. « Aujourd’hui, environ 70 % des officines sont reliées à cet outil, explique Carine Wolf, présidente de l’Ordre des pharmaciens. Quand un pharmacien ne peut pas passer commande, automatiquement, cela déclenche une alerte qui prévient l’industriel. » Que changerait cet élargissement ? Les grossistes répartiteurs auront accès à l’information de façon automatique et fluide. « Et les pharmaciens auront la possibilité de commander au laboratoire un dépannage d’urgence en cas de pénurie d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), pour que l’officine soit approvisionnée. » Deuxième piste : le pharmacien pourra substituer le médicament manquant par un autre après l’accord de l’ANSM. « De sorte que le pharmacien aura tout de suite une alternative à proposer », se félicite Carine Wolf.

Bras de fer sur les sanctions et incitations financières

« Gérer la rupture, c’est une chose, mais empêcher les pénuries, c’en est une autre », prévient Carine Wolf. C’est au niveau européen que les choses se jouent. Ce qui n’a semble-t-il pas échappé à la ministre. « La prévention et la lutte contre les pénuries doivent faire l’objet d’une stratégie européenne, intégrant notamment une harmonisation des réglementations », précise le rapport. Les Sénateurs imaginaient créer une structure à but non lucratif pour gérer la fabrication des molécules de base des médicaments indispensables. « Cette production publique serait complètement indépendante des spéculations, ce serait énorme », assure Jean-Pierre Decool. Une suggestion ambitieuse que cette feuille de route n’exclut pas : « il convient d’expertiser la mise en place d’une solution publique permettant d’organiser, de façon exceptionnelle et dérogatoire, l’approvisionnement en MITM dans les cas d’échec des négociations avec les laboratoires concernés. »

La ministre souhaite également donner plus de pouvoir à l’ANSM pour réguler les pénuries, « voire augmenter son pouvoir de sanctions ». Avec une nuance de taille : « la mise en place de nouvelles sanctions financières sera expertisée, afin d’accompagner le renforcement de la régulation de l’Agence ». Il n’empêche, cette solution fait grincer des dents. Celles des laboratoires, évidemment. Pour Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques du Leem, « les sanctions existent, la France est le pays européen où la réglementation de la santé est la plus développée. Sanctionner n’est pas un dispositif adapté, d’autant que le risque, c’est que les industriels ne viennent plus commercialiser leurs médicaments sur le marché français. » Du côté des patients, aucun doute, une meilleure régulation doit passer par des sanctions financières. « Ces sanctions ne sont appliquées qu’à la marge, regrette Catherine Simonin. Mais pour que l’ANSM renforce son pouvoir de police, ses actions d’inspection, mais aussi ses préconisations pour remplacer un médicament en rupture par un autre, il faut dégager des moyens. » Même son de cloche du côté de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament : « En refusant ces mesures contraignantes pour l’industrie pharmaceutique, Agnès Buzyn refuse donc de travailler sur les causes réelles des ruptures de stocks et de faire la lumière sur un problème systémique et opaque, qui compromet la santé des individus et la santé publique », critique-t-on dans un communiqué.

« Pas de chèque en blanc »

Autre sujet de débat : faut-il proposer des incitations pécuniaires pour encourager les industriels à relocaliser leurs usines en Europe ? La feuille de route prévoit que « des mesures d’incitations financières et fiscales en faveur du maintien ou de la relocalisation de sites de production en Europe » fassent l’objet de discussions. Une demande de longue date des laboratoires, qui avaient publié une liste de préconisations en février. « Cette idée fait consensus car aujourd’hui, le problème est que les matières premières sont délocalisées hors d’Europe », résume Thomas Borel, du Leem. De son côté, France Assos Santé n’exclut pas cette idée, si ces incitations sont assorties de conditions. « On ne peut pas faire un chèque en blanc à l’industrie pharmaceutique, avertit Catherine Simonin. On propose donc d’octroyer des avantages sociaux et fiscaux uniquement quand il y a contrat et contrepartie qui oblige ces laboratoires à produire en France ou en Europe. » Il y a fort à parier que ce comité de pilotage, qui réunira pour la première fois tous les acteurs du secteur, abritera des débats passionnés.

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