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Guy Laplagne
5 juillet 2019

Lagarde à la BCE: la parité c’est bien, la probité c’est mieux

 

Oui 

Il faut la parité mais avec des personnes honnêtes !

 

Lagarde à  la BCE: la parité c’est bien, la probité c’est mieux

Christine Lagarde a été jugée coupable en tant que ministre de l’Économie pour "négligence" dans le cadre de "l’arbitrage Tapie". 404 millions d’euros de détournement de fonds publics: tel a été le coût de sa "négligence".

AFPChristine Lagarde, actuelle directrice générale du FMI, et Mario Draghi, actuel président de la BCE, le 24 juillet 2016.

Le 2 juillet, Marlène Schiappa au micro de Radio classique déclarait que nous vivions un “moment historique”, car deux femmes étaient désormais placées à la tête de deux des plus importantes institutions économiques d’Europe, la Commission et la Banque centrale européennes, “tout ça grâce au président Emmanuel Macron, qui a fait de la parité un enjeu de ces nominations”. Et la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes d’ajouter: “rappelons aussi les grandes compétences de Christine Lagarde”. 

Aussi grandes soient-elles, ces compétences ne sauraient faire oublier le passé judiciaire de l’ancienne membre du gouvernement de François Fillon; la parité ne pouvant prévaloir sur la probité. 

En 2016, Christine Lagarde a été jugée coupable en sa qualité de ministre de l’Économie et des finances par la Cour de justice de la République. Cette institution juridico-politique, créée en 1993, a pour particularité de n’être compétente que pour juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leur fonction. Controversée du fait de sa composition (douze parlementaires et trois magistrats de l’ordre judiciaire), sa lenteur et son laxisme, sa suppression ne cesse d’être demandée, à l’instar de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, dite Commission Jospin, en 2012. Si François Hollande en avait fait un engagement de campagne pour l’élection présidentielle de 2012, Emmanuel Macron s’y était montré favorable, l’article 13 du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, visant d’ailleurs à réviser l’article 68-1 de la Constitution afin de supprimer cette institution. 

Christine Lagarde n’a pas perdu sa fonction de directrice générale du FMI et cela ne semble pas être un frein à son accession à la direction de la BCE, malgré l’indignation que cela suscite.

Mais pour quels faits a-t-elle été condamnée précisément? Pour “négligence” dans le cadre de l’arbitrage de l’affaire dite “Tapie” dont a résulté un détournement de fonds publics. Et cette négligence a un coût: 404 millions d’euros ont été versés, dont 45 millions pour “préjudice moral”, à l’ancien personnage très médiatique, ministre, dirigeant de l’Olympique de Marseille et d’Adidas, Bernard Tapie. Ce manquement n’a semble-t-il pas justifié pour la Cour de justice de la République le prononcé d’une sanction pénale, et ce malgré la gravité des fautes. Christine Lagarde a été dispensée de peine. Elle n’a pas non plus perdu sa fonction de directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) et cela ne semble pas être un frein à son accession à la direction de la Banque centrale européenne, malgré l’indignation que cela suscite. 

De la même manière, la nomination d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne pose question. L’actuelle ministre de la Défense allemande fait l’objet d’accusations persistantes de corruption dans les marchés publics. Des recrutements de consultants externes auraient été faits sans appel d’offres, ce qui représenterait plusieurs millions d’euros. Des accusations qui n’ont, pour l’heure, pas donné lieu à une mise en cause pénale par la justice mais qui ont entraîné la constitution d’une commission d’enquête parlementaire au Bundestag. Cette actualité entre aussi en résonance avec la découverte par les services de Bercy d’un patrimoine qui aurait été dissimulé par Raymond Barre. L’ancien Premier ministre, dont la probité a souvent été louée, aurait été le propriétaire d’un compte bancaire sur lequel figuraient onze millions de francs suisses (soit près de 7 millions d’euros).

De la même manière, la nomination d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne pose question. L’actuelle ministre de la Défense allemande fait l’objet d’accusations persistantes de corruption dans les marchés publics.

Les autorités qui proposent la nomination de ces deux femmes ont-ils en tête la défiance dont les responsables politiques font désormais l’objet? Alors que depuis trente ans des politiques publiques sont menées en faveur de la lutte contre la corruption, les conflits d’intérêts du personnel politique, pour “moraliser” l’action publique, le baromètre de la confiance CEVIPOF pour Sciences Po Paris est alarmant. Depuis dix ans, 72% des Français estiment que les élus et dirigeants politiques sont corrompus. Le chiffre n’a baissé que de 3% en une décennie. Plus encore, 74% des Français sondés estiment que l’État se conduit dans l’intérêt de quelques-uns et contre l’intérêt général. 37% expriment de la méfiance (voire du dégoût pour 32% d’entre eux) à l’égard de la politique, chiffre globalement inchangé depuis dix ans alors que 62% pensent que l’honnêteté est l’une des qualités premières d’un responsable politique. Au total, 81% des Français éprouvent des sentiments négatifs à l’égard de la politique. Une étude publiée en novembre 2018 par le CEVIPOF et l’AMF sur les maires de France établit que 49% des édiles sondés déclarent ne pas vouloir se représenter aux élections municipales de 2020. Cette crise des vocations, celle de la citoyenneté, du lien social et de la confiance dans les institutions ne sont que des sous-éléments d’une crise plus générale, celle d’une République qui se vide de son sens. 

Depuis dix ans, 72% des Français estiment que les élus et dirigeants politiques sont corrompus.

À quoi bon adopter des lois visant à rétablir la confiance, comme celle du 15 septembre 2017, lorsque de tels choix politiques sont opérés, peu importe d’ailleurs qu’ils soient au bénéfice de personnes de sexe féminin? Il convient désormais de s’interroger, car en 2018, seuls 2% des Français déclarent avoir du respect pour la politique; 5% avaient, disaient-ils, encore de l’espoir.

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