Contre les abus du devoir de mémoire, le travail d’histoire ?

Le moment est venu de nous demander ce que peut être le devoir de mémoire. On en abuse, semble-t-il. Ne devait-il pas anéantir les barbaries qui prospèrent plus de jamais et empoisonnent nos vies où que nous soyons, sauf pour quelques privilégiés ? A quoi sert alors le devoir de mémoire, cette injonction à l’impératif ? Il y a des abus de mémoire, une inflation du devoir de mémoire, on carbure au mémoriel excessif, à l’émotion, à la repentance ou non qui n’anéantissent pas les barbaries présentes et futures. Il y a de la sélectivité et du rapport de force dans ce devoir de mémoire, des oubliés, des embûches, des risques de barbarie même. Trop de Shoah n’a pas anéanti l’antisémitisme, ce serait même l’inverse. La remarquable Simone Veil, si pertinente et ne cédant pas aux modes ou aux excès disait : « Je n’aime pas l’expression “devoir de mémoire”. Le seul “devoir”, c’est d’enseigner et de transmettre ». Ricœur disait : Trop de mémoire, trop d’oubli. Est-ce qu’on peut recadrer ces abus de mémoire, cette injonction du devoir de mémoire instrumentalisée, plaider pour un devoir d’histoire et de mémoire indépendant, sur de la connaissance historique encore plus objective et plus interrogative, et faire ce qu’il faut en enseignement, en pilotage car ce ne peut pas être le domaine réservé du président, pas faire semblant, pour lutter contre toutes les barbaries, même les nôtres. Ou finalement avons-nous besoin des barbaries qui font le bonheur de bourreaux et de marchands de canon ? Pensons-nous vraiment aux victimes et à leurs souffrances ?
Illustration de couverture : Simone Veil
« Je n’aime pas l’expression “devoir de mémoire”. Le seul “devoir”, c’est d’enseigner et de transmettre ».

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