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Guy Laplagne
25 novembre 2014

Le renforcement des fonds propres des banques est tout à fait insuffisant

Les Echos, no. 21821

Idées & Débats, mardi 25 novembre 2014, p. 17


Le point de vue

Fonds propres des banques : attention à ne pas en faire trop

de Patrick Artus et Laurent Mignon

PATRICK ARTUS

Les fonds propres réglementaires des banques augmentent continuellement. Les grandes banqueseuropéennes, on l'a vu avec les résultats de l' « asset quality review » et des « stress tests » menés par la Banque centrale européenne, ont des fonds propres (du capital par actions) représentant presque 12 % de leurs actifs pondérés par les risques. Ceux-ci resteraient nettement supérieurs à la limite basse de 5,5 % en cas de récession associée à un recul de tous les marchés financiers. Mais les fonds propres demandés aux banques vont encore augmenter, d'une part, avec le durcissement très probable du ratio de levier d'endettement (les fonds propres doivent représenter une certaine fraction du total du bilan de la banque), d'autre part, pour les banques systémiques (les grandes banques qui font peser le risque d'une crise systémique) avec la nécessité d'avoir des fonds propres encore plus importants, calculés par rapport aux actifs pondérés par les risques.

On estime aujourd'hui que, pour ces grandes banques, les fonds propres devraient représenter à terme de 16 à 20 % du montant des actifs pondérés par les risques. La philosophie des régulateurs des banques est donc claire : plus les banques ont de fonds propres, plus le système bancaire est stable et efficace. Cet argument paraît être de bon sens : si les banques ont beaucoup de fonds propres, elles peuvent résister aux crises sans faire défaut sur leurs diverses dettes et sans qu'il soit nécessaire que les Etats les recapitalisent. De plus, les actionnaires des banques ayant dû investir beaucoup dans leur capital leur demanderont d'éviter les risques excessifs.

Mais la réalité est plus complexe. Accroître considérablement les fonds propres demandés aux banquespeut avoir des conséquences négatives qui semblent être ignorées aujourd'hui.

D'abord, les fonds propres peuvent être surdimensionnés, ce qui ne permet plus de réduire leur risque de défaut. Le théorème de Modigliani et Miller nous dit que les financements par dette et le financement par capital sont équivalents, ce qui justifie qu'accroître considérablement les fonds propres des banques serait sans impact macroéconomique.

L'argument est le suivant : si les banques (une entreprise en général) se financent davantage en fonds propres, le supplément de coût induit est compensé par la réduction du risque de défaut, donc de la prime de risque que paie la banque pour se financer. Mais, si la hausse des fonds propres ne réduit plus le risque de défaut, si leur coût est supérieur au coût de la dette, alors des fonds propres supplémentaires accroissent le coût de financement des banques. Cela force les banques à accroître les taux d'intérêt des crédits, ce qui réduit l'investissement et donc la croissance de long terme.

Il faut se rappeler que la hausse des fonds propres réglementaires des banques est associée au remplacement du « bail out » (recapitalisation des banques par les Etats si nécessaire) par le « bail in » (en cas de crise de solvabilité d'une banque, les actionnaires de la banque, puis, si nécessaire, les porteurs de dette de la banque, subissent les pertes). En principe, la fin du « bail out » est une bonne nouvelle : ne bénéficiant plus d'une garantie implicite et gratuite des Etats, les banques sont incitées à ne plus prendre de risque inutile; le « bail out » générait bien un aléa de moralité. Mais la disparition de cette garantie gratuite donnée aux banques par les Etats accroît le risque lié à la détention de titres émis par lesbanques. Les primes de risque de défaut payées par les banques sont accrues, ainsi donc que leurs coûts de financement et, en conséquence, que les taux d'intérêt des crédits.

Au total, il est superficiel de dire qu'accroître les fonds propres réglementaires, exigés, des banques est toujours une bonne idée.

Patrick Artus

Laurent Mignon

Note(s) :

Patrick Artus est chef économiste de Natixis Laurent Mignon en est directeur général

© 2014 Les Echos. Tous droits réservés.


Commentaire: 

Cette approche est aussi superficielle. 

En effet, il faut renforcer les fonds propres vigoureusement (en renforçant les exigences du ratio de levier -les fonds propres devraient constituer entre 5 et 10% au moins du bilan - et en surveillant davantage la pondération source de manipulations non décelées par le régulateur; en examinant le traitement inadéquat du hors bilan et des produits dérivés. 


Cependant cette approche doit être renforcée encore par référence au profil de risque de ceratins établissements (pour certaines activités, il n'est pas inconcevable que le ratio de levier doivent représenter 80 ou 90% du bilan)


L'efficacité commande une véritable séparation des activités, en tout cas une véritable isolation de la vraie banque de détail. 

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